TEMOIGNAGE: Carine-Laure Desguin: cri d'alarme d'une infirmière à Marcinelle: "Ne bradons pas notre profession"
Carine-Laure Desguin
Carine-Laure Desguin est infirmière/veilleuse de nuit à la Maison de repos « La Tramontane » à Marcinelle. Egalement auteure, elle apporte, par ses textes, un témoignage glaçant sur la première vague du Coronavirus, ainsi que sur le reconfinement actuel. Elle craint que l’on brade les soins de santé.
Comme elle le dit bien volontiers autour d’elle, Carine-Laure Desguin aime « sourire aux étoiles » et dire bonjour aux gens qu'elle croise. Cette fibre sociale se ressent bien dans ses écrits : romans, théâtre, poésies,…
Sa profession d’infirmière à la Tramontane l’a amenée à vivre des expériences très douloureuses lors du confinement, en mars-avril derniers. « Cette période a été très dure à vivre, sur un plan humain. Comment faire comprendre à des personnes qui ont perdu la raison qu’elles ne peuvent plus se toucher, s’embrasser, se rendre dans les chambres les unes des autres, et surtout porter non-stop un masque ? Quelle image donne-t-on de soi quand on se présente devant un résident Covid-19, revêtue de cet habit de scaphandrier » ?
le personnel « interchangeable »
Carine-Laure évoque des situations délicates auxquelles elle a été confrontée : « Lors d’un décès survenu durant la nuit, les pompes funèbres refusaient de rentrer dans la maison de repos et me demandaient de mettre le corps de la défunte moi-même du lit sur la civière parce que, eux, devaient s'habiller (mettre la combinaison de protection, les gants, la visière,…). Je leur ai répondu que j'étais seule, que, moi aussi, je devais m'habiller et qu'un corps n'était pas un vulgaire sac qu'on transportait comme ça. En effet, seule, comment peut-on déplacer un corps avec un minimum de respect ? J’ai remarqué aussi ( parce que j’ai de nombreux contacts avec des collègues d’autres résidences ) que le personnel était devenu « interchangeable » : par exemple, des employés peuvent travailler en cuisine une semaine et au nettoyage l’autre semaine ».
solidarité entre artistes
Ces moments difficiles, l’auteure marcinelloise, post-graduée en gérontologie sociale rappelons-le, les a mis par écrit dans divers textes, comme « Requiem pour Ninon », « Lettre à Swan » ou encore « L’attente ».
La seconde vague lui fait craindre aussi le pire : « On parle à présent de brader notre profession, de permettre à un quidam de prester des soins alors que le simple geste de donner à boire peut devenir catastrophique chez une personne souffrant par exemple de fausses déglutitions et chez qui les précautions d’usage seraient négligées ».
Carine-Laure fait partie d’un collectif composé d’artistes dans d’autres disciplines : céramique, cinéma, sculpture, peinture, musique et photographie. Montée à l’initiative de la sculptrice Bernadette Michaux, l’expo « Ma bulle a éclaté » a dû fermer ses portes au château de Cartier, mais rouvrira à la fin du reconfinement. « Nous voulons montrer que tous les artistes sont solidaires de cette cause. Serrons-nous les coudes plutôt que de nous isoler ».
Carine-Laure Desguin vient de publier : « La lune éclaboussée, meurtres à Maubeuge », 265 pages, 19 €, aux Editions « Le lys Bleu ».
JEAN-CLAUDE HERIN