JUMET AU COEUR DES QUARTIERS
La Madeleine aurait pu s'appeler "Le Tour Notre-Dame de Heigne"
La Madeleine... hier
Des sociétés colorées
Chère au coeur des Jumétois, la Madeleine, qui se singularise par le nombre et la variété de ses sociétés, célébrait, en juillet dernier, ses 641 ans d'existence, après un arrêt d'un an pour cause de crise sanitaire. Secrétaire des Amis de la Madeleine pendant 20 ans, Pierre Arcq, connu comme « l'historien de la Madeleine », fait remarquer que le Tour a bien changé au fil des siècles...
Pierre Arcq
- Pierre Arcq, la Madeleine aurait pu ne pas s'appeler comme ça...
P.A. Initialement, le Tour se faisait uniquement en l'honneur de Notre-Dame de Heigne. Aujourd'hui encore, la chapelle de Heigne est au centre de toute la procession. Et les localités environnantes s'imprègnent et rayonnent de cette tradition. Mais déjà avant le 17ème siècle, les Jumétois se sont orientés vers la figure biblique de Marie-Madeleine, fêtée dans le monde chrétien autour du 22 juillet. Une « substitution de culte » s'est produite, sainte Marie-Madeleine remplaçant Notre-Dame...
Sur le rond-point du Mamelouk ( Jumet Malavée)
- Le Tour est fortement lié aux industries dans la région...
P.A. Oui, c'est ce qui en fait sa spécificité, principalement au 19ème siècle, avec le développement des industries. La verrerie, très prospère dans la région, a joué un rôle particulièrement important dans l'évolution du Tour.
L'industrie verrière à Jumet
François Houtart, maître de verrerie à Jumet Heigne et musicologue, a introduit de nombreux instruments de musique. Cet aspect plus festif a contribué à rendre le Tour plus civil, tout en maintenant le côté religieux.
- Certains bourgmestres se sont vraiment investis dans le Tour...
P.A. : C'est le cas de Jules Francq, bourgmestre en 1921 et 1922. C'est lui qui a structuré les Comités encore présents aujourd'hui : l'Etat Major, et le Comité des Fêtes. Ses importantes fonctions ne l'ont jamais empêché de remplir son rôle de général et d'animer toute une série de manifestations populaires à Heigne. Je citerais également Jean Deterville et Raymond Payen.
- La Madeleine est-elle moins « napoléonienne » que la Sainte Rolende ou les Saint-Roch de Châtelet, Thuin et Ham-sur-Heure ?
P.A. Ce serait une erreur de penser ça... Parce qu'à l'origine, les marcheurs de l'Entre-Sambre-et-Meuse portaient surtout des uniformes belges. Puis, pour une question de prestige, ils ont endossé des habits du Premier Empire, puis du Deuxième, ... Je ferais remarquer que nous aussi, à Jumet, nous avons les Grognards de Napoléon, par exemple ! Certes, au fil du temps, la Madeleine a vu ses sociétés se diversifier. Nous en comptons aujourd'hui 37, auxquels il faut ajouter les pèlerins.
Outre les sociétés qui portent les noms de communes traversées par le Tour comme les Jockeys de Roux, les Turcos ou les Lanciers de Heigne, bon nombre de sociétés sont en lien avec l' Histoire Nationale, comme les Marins Belges, ou Internationale comme les Mexicains, la Garde Mobile Canadienne, ou encore les Marins Russes, en fait des verriers jumétois ayant migré en Russie au début du 20ème siècle.
- Ce dont vous êtes le plus fier ?
P.A. La reconnaissance de la Madeleine et des Marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse comme Patrimoine Culturel Immatériel de l'humanité par l'Unesco en 2012. Les 10 ans seront donc célébrés l'an prochain. C'est une bataille que quelques amis et moi avons menée pendant plusieurs années. Parmi les pays qui nous ont aidé pour obtenir le titre : la Chine !
Robert et Pierre Arcq, attachés à l'Histoire de Jumet
Robert Arcq
Père et fils, Robert et Pierre Arcq sont des personnalités incontournables de Jumet. Robert est né à Jumet en 1925. Il a fait des études en archéologie et Histoire de l’art à Louvain et a été professeur aux Aumôniers du Travail à Charleroi. Il a vécu dans un quartier de verriers et de mineurs, et s’est fait mineur pendant la guerre pour échapper au travail obligatoire en Allemagne. C’est dire toute l’importance pour lui de la culture populaire et de la langue wallonne. Robert a participé aux travaux de l’Alliance littéraire wallonne de Charleroi et de la Société de langue et littérature wallonnes de Charleroi. Il a lui-même dessiné des maximes ainsi que les illustrations de la plupart de ses livres. ll est décédé en 1994.
Illustrations de Robert Arcq
Pierre est né à Jumet et n'a jamais quitté la commune. Il est l'auteur de 2 ouvrages «Jumet, Mémoire en Images, tome 1 et 2» et d'une histoire de Jumet au travers du nom de ses rues. Il a écrit aussi de nombreux articles historiques et patrimoniaux sur Jumet et le Tour de la Madeleine. Il a été aussi Directeur d'èl Môjo dès Walons. Pierre et son épouse habitent actuellement la maison de Robert, à la rue Anseele, près du café « Le Coq Gaulois », une institution à Jumet, surtout lors de la Madeleine !
Gimiacus, à l'origine du nom Jumet
La forme la plus ancienne du nom « Gimiacus » fait apparaître que tant le radical du mot « Gim » que le suffixe « iacus » sont empruntés à la langue celtique. Gimiacus désigne le domaine de Gimmius. Des fouilles effectuées à la fin du 19ème siècle sur le plateau de Diarbois attestent de la présence d'un village gaulois bien avant l'époque romaine. Le domaine primitif était bien plus vaste qu'il ne l'est aujourd'hui, puisque Jumet possédait des terres dans Viesville, Thiméon, Heppignies et Wayaux, de même que de nombreuses enclaves dans ce qui deviendra Gosselies en 980. La première mention écrite de « Gimiacus » remonte à l'an 866 lorsque Jean, Evêque de Cambrai, fait établir la description des terres de Lobbes.
Onze bourgmestres se sont illustrés à Jumet, de 1830 à 1976. Tout d'abord Auguste Frison jusqu'en 1857. Suivent : Clément Tahon de 1857 à 1864, Léoplod Jacqmain de 1864 à 1877. Le très long mayorat - 1877 à 1912- de Jean-Baptiste Ledoux est marqué notamment par l'amélioration de la voirie ou l'adduction d'eau, de gaz et d'électricité. Il s'illustre dans de nombreuses associations culturelles, sportives et caritatives. Lui succèderont Joseph Lauwers, de 1912 à 1919 et Jules Francq, en 1921 et 1922. François Dewiest sera bourgmestre de 1922 à 1943. Dès ses premiers mois à la tête de la commune, ce dernier s'occupe de la reconstruction des quartiers de Jumet détruits en 1914. Une des tâches d'Auguste Delvaux (1944 à 1951) sera la reconstruction du quartier d'Heigne, dévasté par le bombardement américain du 11 avril 1944. Les plus grands chantiers de Marceau Remson (1951-1964) seront la transformation du réseau électrique et la modernisation de l'éclairage public. Jean Deterville présidera ensuite aux destinées de la commune jusqu'en 1970. Son mandat est marqué par le jumelage entre Jumet et Saint Junien (France).
Jean Deterville
Figure bien connue à Jumet, Raymond Payen, bourgmestre de 1971 à 1976, a toujours été un défenseur du folklore de sa commune. Dès l'âge de 4 ans, il effectue son premier Tour dans les Pèlerins et en 1951, il rejoint la société des Tirailleurs algériens dont il assume le poste de commandement pendant plus de 25 ans !
Raymond Payen
J.C.HERIN
25 porteuses de « canons » à la Sainte-Rita
Marche de Sainte Rita : au milieu, Quentin Marchal ancien Tambour Major, Salvatore Infantellino quand il était officier Zouaves et Fabian Pacifici en tant que 1er adjudant. Cette photo a été prise en 2012 avec les officiers et les cantinières du Peloton de la Saperie.
Début septembre, la marche Sainte-Rita était de sortie pour la 20ème fois, mais en version réduite pour des raisons sanitaires. (En 2020, l'édition avait été annulée à cause de la Covid). Deux amis, Fabian Pacifici et Quentin Marchal, sont à l'origine de cette marche. En 1998, ils découvrent le Folklore des marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse à Loverval. Fabian confie à Martin que l’abbé Remy, curé de Jumet-Hamendes, désire relancer une procession aux Hamendes. Les deux jeunes décident d'y proposer le projet d'une marche folklorique. Le 9 septembre 2001, la compagnie des Hamendes sort pour la première fois. Environ 70 marcheurs y participent.
L'année suivante, la bannière rentre au Château Mondron et la liturgie de la procession est presque identique à aujourd’hui. En 2003, la procession prend le nom de « Marche Sainte Rita ». Aujourd'hui la marche rassemble plus de 200 participants. La procession du dimanche représente une boucle d'environ 12km. Le feu de Baudoux (tirs de fil en direction de la Chapelle pour représenter l'incendie Château Baudoux en 1886) et la rentrée au Chateau Mondron sont les deux temps forts de la marche. Quelques particularités ? La jeunesse des membres (35 ans environ). Certains pelotons féminins sont constitués de 25 porteuses de canon (de verre) et d'autres rappellent des femmes qui déposaient leur repas auprès de leur mari dans les verreries.
Aujourd'hui, Fabian Pacifici et Quentin Marchal ne marchent plus. Seul Salvatore Infantellino, l'un des fondateurs également, est encore là, il co-organise la marche et est devenu le tambour major de celle-ci depuis quelques années.
J.C.HERIN