Oskar Schindler, industriel allemand, a sauvé la vie de 1200 Juifs, durant la Shoah. Jérôme Roose adapte pour la première fois "La liste de Schindler" dans un seul-en-scène. Ici, une victime peut devenir un vainqueur.
- Jérôme Roose, vous êtes de descendance belgo-allemande. La Liste de Schindler ne pouvait donc vous laisser indifférent...
J.R.: En effet. Je suis Allemand de par mes aïeux paternels. Mon arrière-grand-père Kurt Rothe était soldat de la Wehrmacht. Ayant fait partie des Jeunesses hitlériennes, il a reçu une éducation très rigide. Une partie de ma famille vit toujours en Allemagne et en Autriche. Par contre, mes aïeux maternels sont belges et ont fait partie de la Résistance.
J'ai vécu beaucoup de tiraillements entre les deux camps. La question qui fâche: comment un pays aussi civilisé que l'Allemagne a-t-elle pu commettre de telles atrocités ? Le sentiment anti-Boche était très présent au sortir de la guerre.
- Acteur, vous n'incarnez pas Schindler...
J.R. Non, le spectateur le comprend très vite. La scène se passe dans une salle d'exposition. Dans la peau d'un visiteur ou d'un spectre, je réagis face à différents objets évoquant la vie d'Oskar Schindler. On y voit notamment des uniformes de prisonniers, le drapeau nazi, des dagues SS, des jouets d'enfants, des photos de vrais survivants,...
Je porte un costume neutre, et parle à l'instant présent. Je peux représenter aussi bien un officier SS comme Amon Göth, surnommé "Le boucher d'Hitler" ( je parle alors en allemand sous-titré), que la victime ou encore l'humanité. Un seul individu peut être les trois.
- Un tel spectacle demande la récolte de témoignages...
J.R. Oui, bien sûr. Tout comme la pièce sur le Titanic, que j'ai écrite et mise en scène précédemment, j'ai amassé beaucoup de documentation et recueilli de nombreux témoignages. Pour la "Voix de la Liste", que j'ai rebaptisé ainsi pour ne pas avoir de problèmes de droits d'auteur, ce travail m'a demandé deux ans. J'ai pris de nombreux contacts avec des instituts belges. J'ai beaucoup lu les écrits de Leopold "Poldek" Pfefferberg, aussi connu sous le nom de Léopold Page, survivant américano -polonais de la Shoah. Il a été un grand ami d'Oskar Schindler.
- Oskar Schindler est-il un héros pour vous ?
J.R. Sans aucun doute. Dans son film, Spielberg l'a bien montré. La conduite d'Oskar Schindler a été vraiment exemplaire. Cet homme est un véritable humaniste. Si une nouvelle guerre éclatait, qui se comporterait de la sorte ? Nous voyons comment un homme ordinaire peut transcender les circonstances et devenir extraordinaire. Les survivants de l'holocauste partagent leur histoire avec le public.
Mon spectacle n'est pas du théâtre documentaire, mais du théâtre s'inscrivant dans le cadre d'un devoir de mémoire. Une piqûre de rappel, en quelque sorte, pour ne plus revivre les affres de la déportation et de la seconde guerre mondiale.
"Schindler, la Voix de la liste" est à voir au Poche Théâtre, 70, rue du Fort à Charleroi, les 10 et 12/5 à 19h30 et le 11/5 à 20h30. Prix: 15 euros- 12 euros en prévente. A partir de 12 ans. Infos et réservations: 0499/34 39 06. http://www.lepoche.be
ROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-CLAUDE HERIN