JUMET- Quel avenir pour l'hôtel de ville ?
Un intérieur superbe avec ses boiseries
Lors du dernier Conseil communal, l'échevin des Travaux Eric Goffart a démenti l' éventualité d'une quelconque destruction de l'hôtel de ville de Jumet, mais la menace de suppression du guiche subsiste. Eclaircissements avec Pierre Arcq, historien local. JCH
Pierre Arcq, un historien très engagé pour sa commune
Voici pour suivre l'interview de Pierre Arcq
Le bâtiment souffre de l'usure du temps
1. Pierre Arcq, our un Jumétois comme vous, et historien de surcroit, que représente l’hôtel de ville de Jumet, qui a presque 200 ans d’âge ?
L’Hôtel de Ville de Jumet a effectivement près de deux siècles. Il a été construit entre 1825 et 1827, donc sous l’époque hollandaise, avant l’Indépendance de la Belgique. C’est le plus ancien de l’entité de Charleroi, et un des plus anciens Hôtel de Ville moderne de la région. Rien que pour cela, il mériterait d’être préservé. L’Hôtel de Ville possède notamment une remarquable Salle du Conseil, devenue aujourd’hui Salle des Mariages et des réceptions, qui contient encore toutes ses boiseries et son mobilier d’origine. Il a toujours été convenablement entretenu jusqu’il y a près de vingt ans.
L’Hôtel de Ville reste évidemment un symbole, pour les Jumétois et bien entendu pour les mad’lèneûs. Ils sont nombreux à l’avoir fréquenté lors d’événements heureux (mariages) et évidemment pour leurs formalités administratives. C’est aussi un lieu de rencontres, indispensable à la vie sociale jumétoise : c’est là qu’ont lieu de nombreuses commémorations, que ce soit officielles (remises de distinctions honorifiques, réception des associations patriotiques, par ex.), ou folkloriques (réceptions officielles de la Madeleine, cérémonies anniversaires, accession au titre de société royale, etc.). Il est donc cher au cœur des Mad’lèneûs.
2. Aujourd’hui, il est question de rationaliser les guichets, et de les ramener à cinq. A terme, cela pourrait-il entrainer la suppression totale des guichets? Qu’est-ce que cela aurait comme impact pour la population de Jumet et sur les services qu’on lui propose ?
Les projets de rationalisation des guichets vont entraîner la suppression de 5 guichetssur les 10 existants aujourd’hui, dont celui de Jumet. Comme l’Hôtel de Ville n’abrite actuellement plus d’autres service communal ni de service de police (celui-ci vient d’être transféré dans de nouveaux locaux à la Chaussée de Bruxelles), la suppression du guichet entraînera le transfert du personnel communal, et le bâtiment n’hébergera plus aucun travailleur ! Devenu inutile, provisoirement j’espère, il y a donc de grands risques qu’il soit purement et simplement abandonné, voire démoli comme certains l’ont suggéré. Les autorités communales auraient pu, auraient dû anticiper la situation et entamer plus tôt une réflexion sur sa reconversion. Et bien entendu l’entretenir correctement.
Jumet reste l’ancienne commune la plus peuplée de Charleroi. Et ce sont les Jumétois qui devront se déplacer en nombre pour se rendre en nombre au Centre Civique de Gosselies ! Avec comme conséquence de les éloigner encore plus de leur administration. On impose ainsi au citoyen des déplacements supplémentaires, ce qui apportera des inconvénients majeurs aux personnes à mobilité réduite ou dépourvues de véhicule. Le Centre civique de Gosselies est en effet éloigné de tout arrêt du métro. Sans parler des conséquences écologiques qu’entraînent ces déplacements.
3. L’hôtel de ville est-il vraiment en état de grande vétusté? Des travaux pourraient-ils être entrepris ?
Certainement. Je réponds oui aux deux questions. Le bâtiment possède toujours ses plafonds et son escalier d’origine en bois, qui ne sont évidemment plus aux normes. Mais il faut savoir que plus aucun entretien sérieux n’a été fait depuis près de vingt ans, lorsque, à l’initiative des échevins Gustave Debroux et André Mayence, le hall d’entrée puis la Salle du Conseil ont été rafraîchis. Nous aurions pu éviter des dégâts supplémentaires si de petites réparations avaient été réalisées à la toiture et aux gouttières, il y a quinze ans. Hélas, la Ville de Charleroi a négligé le bâtiment et doit faire face aujourd’hui à des travaux d’importance, consécutifs aux infiltrations d’eau. Il faut également dire que personne ne s’est préoccupé de l’état du bâtiment depuis que le dernier échevin jumétois, André Mayence, l’a quitté en 1999.
Evidemment, aujourd’hui, des travaux importants devraient être entrepris. Comme l’immeuble n’est hélas pas classé (ce qui aurait probablement été le cas dans une autre ville), et que la Ville de Charleroi est sans le sou, il faudra trouver des subsides ailleurs.
4. Comment les riverains réagissent-ils face à la menace d’une éventuelle destruction?
Les Jumétois ont été choqués de lire dans la presse que l’abandon, voire la démolition de cet immeuble emblématique, étaient envisagés. C’est quand même à cause de l’incurie de la Ville qu’il est dans cet état lamentable ! Beaucoup croient que l’absence d’entretien du bâtiment est volontaire, de façon à pouvoir dire ensuite qu’il est irrécupérable et qu’il n’y a pas d’autre solution que la démolition. Heureusement, lors du Conseil communal du 25 novembre dernier, Eric Goffart, l’échevin des Travaux et des Bâtiments, en charge de la Régie foncière, a démenti et a déclaré que cette éventualité n’avait jamais été envisagée.
Bien entendu, les Jumétois ne sont pas apaisés ; ils savent que le quartier du Chef-Lieu est dans le prolongement de l’aéroport ; il est régulièrement survolé par des avions volant à basse altitude. De nombreuses maisons bordant la place ont été rachetées par la SOWAER et sont actuellement inoccupées. Et le zoning industriel d’IGRETEC, « Jumet Airport » s’étend à proximité sur le site de l’ancien hôpital civil. Tout le quartier ressemble à une ville fantôme et l’on peut s’imaginer qu’IGRETEC ne demanderait qu’à agrandir son zoning.
5. Le projet de reconvertir l’hôtel de ville en centre d’interprétation du folklore est-il réalisable ? Est-ce que cela aurait des retombées pour la Madeleine?
C’est la solution que privilégient les Jumétois. Si la volonté politique existe, c’est évidemment réalisable. Le projet d’implantation d’un Centre d’évocation à la Brasserie de l’Union avait été poussé très loin jusqu’à l’abandon du site par Alken-Maes en 2007. Mais depuis, avec les « affaires » et malgré les promesses de la Ville, le projet n’a plus avancé d’un pouce. Cela permettrait pourtant de trouver une affectation novatrice, heureuse pour la Ville, et de sauver le bâtiment. Evidemment, il faudrait effectuer de grands travaux pour le mettre en conformité avec les normes de sécurité et d’accessibilité, ainsi qu’aux normes muséales. Il serait possible d’aller chercher des subsides du côté de la Région wallonne, malheureusement cela ne sera pas suffisant. Mais le Ministre-président de la Wallonie est également notre bourgmestre ; cela pourrait ouvrir bien des portes… et des portefeuilles… Il y a également le mécénat privé. Profitant de l’opportunité exceptionnelle apportée par la reconnaissance par l’UNESCO, d’autres villes et communes (Mons, Binche, etc.) ont décidé de valoriser leur patrimoine matériel et immatériel en installant des Centres d’interprétation. Mons disposera dès l’an prochain de trois Centres d’interprétation, un pour chacune de ses reconnaissances UNESCO (le beffroi, les minières néolithiques de Spienne et le Doudou). Binche réfléchit à un Centre d’interprétation du Carnaval, alors que cette ville dispose déjà du Musée international du Masque. Pourquoi Charleroi n’agirait-il pas de même ? Je pense qu’il pourrait en être de même pour notre ville, en installant un Centre d’interprétation de la Madeleine au sein de l’Hôtel de Ville de Jumet. Cela aurait des retombées en termes touristiques, donc économiques. Cela se vérifie partout ailleurs.
6. Le Collège a été interpelé, dernièrement, sur tous ces problèmes, lors du Conseil Communal? Comment a-t-il réagi ?
Trois conseillers communaux, Sofie Merckx (PTB), Maxime Sempo (MR) et Gérard Monseux (PS) ont interpellé le Collège lors du dernier Conseil communal du 25 novembre. Les Jumétois étaient présents dans la salle, accompagnés d’une fanfare, afin de soutenir leurs conseillers communaux et montrer leur détermination. Ils ont été déçus par le jeu politique et les faibles réponses apportées. Il convient, je pense, de tirer les leçons de cette mobilisation populaire, car toucher à l’Hôtel de Ville, c’est toucher les Jumétois et les mad’lèneûs au cœur. Mais personnellement, je pense qu’il y a quand même des points positifs qui ressortent de ce Conseil chahuté. Premièrement, l’échevin Eric Goffart (Travaux et Bâtiments, en charge de la Régie foncière), a déclaré que la démolition du bâtiment n’avait officiellement jamais été envisagée.
Ensuite, le Collège a accepté qu’un Groupe de travail soit créé, en vue d’étudier la revalorisation du quartier du Chef-Lieu, en ce compris l’Hôtel de Ville. Des architectes, des urbanistes, le « bouwmeester » de la Ville, IGRETEC, la SOWAER, et bien entendu des Jumétois devraient en faire partie. Il convient évidemment que cela ne reste pas une vaine promesse. Les Jumétois veulent des solutions et des réalisations. Et ce, rapidement. Une pétition circule aujourd’hui :
https://www.lapetition.be/en-ligne/Non-a-la-fermeture-de-la-maison-communale-de-Jumet-15151.html. Elle compte déjà plusieurs centaines de signatures.