Manipulée par un pervers narcissique, une ex-tenancière carolo de bars, qui a exercé pendant 17 ans, raconte les problèmes qu'elle a rencontrés dans le milieu de la prostitution. Aujourd'hui, après 22 ans, les plaies ne sont pas encore complètement cicatrisées. Rencontre.

-Il  n'est pas très courant qu'une tenancière de bars écrive sur la prostitution...

EGIDIA LINA : Généralement, ce sont les hôtesses qui se livrent sur leurs conditions difficiles de vie. Dans ce cas-ci, les filles (j'en ai vu 435 en tout!) étaient bien considérées, rémunérées et déclarées à plein temps. Cela n'est pas le problème. Mais en tant que tenancière de deux bars à Charleroi et dans l'entité, j'ai connu les pires difficultés en étant entraînée à deux reprises dans des procédures judiciaires, des amendes pour proxénétisme et tenue de « maison de débauche », un terme dégradant, mais pourtant que j'ai entendu plusieurs fois...

- Cette chute, vous l'avez connue à cause d'un homme...

E.L. Tout à fait. Au départ, j'ai été comme aveuglée par Richard, par ses « belles paroles », son intelligence, sa prestance, ses allures de gentleman,..Mais rapidement, cet homme s'est montré de plus en plus menteur, manipulateur et orgueilleux. Je pourrais même le qualifier de « pervers narcissique ». Financièrement, il est devenu extrêmement gourmand, jusqu'à réclamer des sommes folles. Les bars, c'est Richard, seul, qui a voulu les lancer. Je suis devenue rapidement une femme de paille, juste une prête-nom, pour que cet odieux personnage puisse monter un business dans l'univers des bars vitrines.

- Le milieu de la prostitution n'est pas décrit à son avantage.

E.L. En effet, je dis même dans le livre qu'il s'agit d'un monde où règnent l'argent (surtout), la jalousie, les mensonges et les infidélités. Malgré tout, il ne faut pas diaboliser le milieu. J'ai rencontré quelques hôtesses (comme Sidonie) avec qui j'ai gardé d'excellents contacts. Elle est restée une de mes meilleures amies.

- La vie ne vous a guère épargnée, puisqu'un de vos fils a été accidenté...

E.L. Maxime, un des mes enfants, a été victime d'un accident de scooter. Il a passé des semaines dans le coma artificiel. Il s'en est sorti, mais il garde encore des séquelles. A cause de cet accident, j'ai été piégée pour payer les déboires financiers de Richard, ses frasques, en plus de devoir gérer une situation familiale compliquée. Il faut être solide psychologiquement pour supporter le choc en tant que mère, et continuer à travailler « contre son gré ».

- Votre ouvrage a été qualifié d'« auto-fiction », c'est à dire...

E.L. Qu'il est basé sur de très nombreux faits réels, auxquels j'ajoute quelques éléments fictionnels. Pour me protéger, j'ai transformé les noms et les lieux, et j'ai gardé l 'anonymat. Aujourd'hui, j'ai complètement tourné la page, et je m'épanouis dans de nouvelles activités. Je ne revois plus Richard, mais je garde « une boule au ventre ». J'espère retrouver un jour la sérénité. Peut-être que ce livre pourra aider une personne qui a vécu la même chose que moi...

« Aventures et mésaventures d'une travailleuse de l'ombre » par Egidia Lina. 244 pages. 18,90 € La Boite à Pandore. Pour tous contacts : www.laboiteapandore.fr

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-CLAUDE HERIN