MARCINELLE- Le Bois du Cazier sort les rescapés de la tragédie de l'oubli
Plusieurs descendants de rescapés
Remontés de 1035 mètres à 8h30, le 8 août 1956, Robert Barbieux, Philippe Detobel et Onorato Pasquarelli figurent parmi les trois rescapés sur sept de la « dernière cage ». Les membres de leurs familles étaient réunies au Bois du Cazier.
JEAN-CLAUDE HERIN
Dernièrement, La Nouvelle Gazette rendait hommage à Carlo Fontaine, un des 13 survivants de la tragédie du Cazier par l'interview de sa petite-fille Patricia Piette, une Marcinelloise de 61 ans. Mardi soir, les familles de trois autres mineurs : Robert Barbieux, Philippe Detobel et Onorato Pasquarelli étaient présentes sur le site.
Entourée de Julie Van der Vrecken et Aude Musin, commissaires de l'exposition : « Les rescapés du 8 août 1956 », Colette Ista invitait l'assemblée au dévoilement d'une plaque, dans la salle où sont exposées les photos des mineurs décédés. « En rappelant à la mémoire les rescapés de la tragédie, aujourd'hui décédés, nous effectuons en quelque sorte une « réparation » soulignait la directrice du Cazier. « Bon nombre de travailleurs qui en ont réchappé ont été frappés par le syndrome dit « du rescapé », c'est à dire un sentiment de culpabilité d'avoir la vie sauve alors que des proches sont morts.
R.Barbieux et Ph.Detobel devenus amis
Né le 2 février 1935 à Macon, Robert Barbieux entre le 3 mars 1955 au Cazier, où il est décrocheur au puits d'aérage. Le soir de la catastrophe, il se promet « de ne plus jamais descendre ». Marié en 1954, il a eu 4 enfants et 10 petits-enfants. Il meurt à 62 ans. « Nous gardons de lui d'un homme cultivé, qui perpétuait la mémoire en donnant des cours et des conférences » notent ses enfants Marie-France (69 ans), Philippe (65 ans), Dominique (61 ans) et Jean-Pierre (58 ans).
Robert Barbieux
des membres de la famille de Robert Barbieux, devant la plaque
Né le 11 février 1924 à Aiseau, Philippe Detobel entre au Cazier, le 3 juillet 1956. Le jour de la catastrophe, il reste au puits où il aide à sortir le wagonnets se trouvant dans la cage, afin qu'elle puisse être utilisée pour remonter d'autres ouvriers, en vain malheureusement. De cette journée fatidique, naîtra une amitié profonde avec Robert Barbieux, au point de donner réciproquement leurs prénoms à leurs enfants. Philippe Detobel a obtenu d'être inhumé au cimetière de Marcinelle « avec ses amis ».
Rongé par la silicose, il s'éteint à l'âge de 64 ans à Châtelet. « Après la tragédie, il restera hanté par ce qu'il a traversé, et surtout par la mort du jeune Marceau Caillard. Il dormira avec une lampe allumée » soulignent Isabelle et Laurence Van Bergen, ses petites-filles.
Philippe Detobel
Les petites-filles de Philippe Detobel
Maria, fille d'Onorato, habite Marcinelle
Maria, fille d'Onorato
à gauche: Onorato Pasquarelli
Onorato Pasquarelli voit le jour à Pizzoferrato (Abruzzes), le 15 octobre 1914. Démobilisé dans son pays, il se retrouve à Charleroi en 1946. Le 8 octobre, il est engagé au Cazier. D'abord abatteur, il est victime en 1947 d'un accident qui lui coûte une jambe, arrachée par un câble de treuil, d'où son surnom « Djambe d'bos ». Reconnu comme invalide, il est alors affecté à l'entretien des chevaux. Le 8 août 1956, il dira aux siens qu'il avait senti les chevaux un peu nerveux, ce matin-là. Après la catastrophe, il reviendra travailler au Cazier à l'entretien des douches.
Pensionné, il revient à Marcinelle, où il achète, à la rue de Marcinelle, une des maisons du charbonnage en liquidation. Sa fille, Maria (77 ans), habite à proximité du Cazier. « Je revois encore mon père rentrer par les lignes du tram. C'est un moment très émouvant. Par la suite, il est revenu régulièrement au cimetière ». L'expo « Les rescapés du 8 août 1956 » compte 22 panneaux à voir sur le site du Cazier jusqu'au 8 août 2025.
Les membres de la famille d'Onorato Pasquarelli
22 panneaux à voir - photo: J.C.Hérin